mercredi 1 juin 2016

CouchSurfing : l'hospitalité, oui, mais les échanges culturels ?

CouchSurfing c'est une organisation internationale d'hébergement gratuit. Le principe est simple : on s'inscrit en ligne, avec un profil personnel le plus détaillé possible et des photos. Le siège à San Francisco monte le profil en ligne dans la ville du membre. Les touristes membres de l'organisation font des recherches en vue  duprofil idéal ou ils veulent séjourner, écrivent et le cas échéant en fonction de leur profil on accepte ou non si l'on est intéressé. Le plus souvent l'hébergement est plutôt informel, sur un sofa ("couch" en anglais) et le voyageur, un routard sans trop d'argent "surfe" de sofa en sofa, avec parfois facilités pour cuisiner. Le système marche plutôt bien malgré des fausses notes sinon des abus ces temps-ci dus à sa trop grande popularité. (10 millions d'adhérents.)

Mais ce n'est pas tout. Selon la charte de CouchSurfing l'hospitalité va de pair avec les échanges culturels. Les ambassadeurs (représentants de l'organisation dans chaque ville) ne manquent pas de le répéter même si ne font rien dans ce sens. Ces échanges sont supposés être aussi importants dans la relation entre membres peut-être à égalité avec l'hospitalité et la convivialité. On est hébergé ou l'on héberge, en même temps on échange sur notre culture, nos goûts, nos passions.(...) En fait il n'en n'est presque rien. Le culturel est presque inexistant chez CouchSurfing. Et d'ailleurs comment pourrait-il en autre autrement ?


 Il faudrait d'abord que les invités aient les mêmes goûts que leurs hôtes sinon comment les réunir sur des sujets d'intérêts communs ? En fait le choix et les préférences des hôtes se limitent le plus souvent au plus simple : âge, profession si l'invité n'est pas étudiant -un cas très fréquent-, goûts musicaux et voyages parfois. 

 Lucio, un jeune italien de Milan le confirme :
Je ne me souviens pas avoir eu 20 ans et avoir recherché la compagnie de personnes ayant deux/trois fois mon âge.
Implicitement cela veut dire : 
- les plus de 30ans, ceux qui sont cultivés le plus souvent, ne m'intéressent pas. Je veux des jeunes de mon âge avec qui déconner, boire jusqu'à plus soif, danser si possible et sortir jusqu'au petit matin. Et même pour la bouffe si on se fait un bon petit plat, le reste cela sera pizza congelée ou tacos/enchiladas livrés à domicile, bières et cacahuètes. 
Vont-ils échanger sur le rap ou le hip hop ? Sur Star Wars 8 ? Peut-être Bird ou Captain America... Un concert qu'ils auront pu voir ou ne pas voir...? Les dernières nouveautés smartphones et Apple ? Pourquoi pas, pourquoi dicter ou imposer ses critères, au nom de notre  éducation et culture, une éducation inculquée il y a cinquante ans et une culture dont les bases et les points forts ont changé du tout au tout ? Pas de raison de le faire. Et s'ils laissent de côté le racisme, les grèves et casse-têtes ce sera tant mieux pour eux. Ne même pas penser à la politique dont presque tout le monde est fatigué : en revenant de chez Frida Kahlo on n'a pas la tête à  cela. Mon invité français ne jurait (et violemment) que par l'anarchisme ! Parler religion, c'esst l'aventure...
Ne pas oublier... Imagine-t-on des invités fatigués de leur trajet  ou de leur journée de tourisme, échangeant avec nous de longues heures sur des sujets qu'ils ont laissés au pays ? Littérature peut-etre, philosophies, sciences politiques ou autres. C'est sympa de parler musique, cinéma et quelques bouquins mais qualifier cela d'échanges culturels n'est-ce pas un peu rapide sinon un peu abusif. On peut aussi échanger sur nos sociétés mais attention à l'égoïsme : la chinoise n'avait visiblement pas  envie de parler de son pays dont finalement elle sait si peu (la "révolution" kezako ?) comme la plupart et nous ne sommes pas toujours intéressés par les goûts des autres. Héberger un gars ou une fille ne veut pas forcement dire que l'on a tant que cela à échanger surtout quand il y a vingt, trente ou quarante ans d'écart comme cela m'arrive presque toujours. Mais peut-on alors se priver d'héberger même si l'on aime beaucoup ? Pour ma part non ! La priorité à l'invité plutôt qu'au profil idéal même si l'on garde un minimum de filtres.

La question se pose alors de savoir pourquoi l'on héberge : par goût et désir d'hospitalité et alors on est assez flexible sur les "filtres"et l'on peut être gratifiés alors de "échanges d'expériences humaines" ("human experiences") comme le suggère l'amie Cecilia de Bremerhaven. Mais si l'on héberge en priorité sinon toujours des profils correspondant aux nôtres pour les fameux "échanges culturels" d'un niveau  culturel et intellectuel peu commun cela change tout. On aura rendu service, c'est évident, mais on se sera fait un grand plaisir, l'hospitalité n'étant qu'un prétexte. Mais si l'on suit ce choix, pourquoi pas chacun le sien, on exclut ainsi les voyageurs les plus humbles, ceux ont arrêté de gré ou de force leurs études (très) sans les reprendre, ceux que la "culture" n'a jamais attirés. Pour éviter le cas échéant une sorte de discrimination sociale il faudra s'adapter et faire preuve de générosité. 


Joseph, un américain de Bexhill (Utah) me jette alors son passion pour Sartre à la figure. Peut-être. Moi c'est Proust, la Nouvelle Vague, l'architecture religieuse et autres, je ne peux évidemment pas servir tout cela ni en apéritif, ni en plat principal, ni en dessert. Et pourtant je veux héberger...Alors je fais l'impasse, eux sans doute aussi sur leurs goûts et passions, mais l'on est réuni dans l'optique première de l'organisation : héberger ou être hébergé. Bien sur avec Pablo le colombien on a parle une demi-heure de Jack Kerouac, avec Zoé et Bella on a parle et ri  sur nos aventures dans le monde alternatif des USA et sur la route en Asie des années 70. Mais était-ce un échange culturel ? Pas vraiment me semble-t-il. Francois dans son profil très intellectuel Pina Baush/Marcel Carn
ée/Ronsard/Britten annonce : "pas d'easy talk !" Je veux bien le croire : il est très sélectif, il sera très difficile pour n'importe lequel d'entre nous de le rencontrer. C'est dommage il a une personnalité passionante, mais il se réserve.

 Alors on en arrive au seul véritable échange culturel, un échange de cultures à la portée de tout le monde : la cuisine ! Un échange d'expériences, un échange de patrimoine culturel de base : chaque pays, chaque région a ses spécialités. ses boissons.  Chaque plat a une histoire et peut être lié a un évènement, à une fête, à une tradition que nous ne connaissons pas. Le touriste le plus simple, avec ou sans éducation ou culture, peut préparer des crêpes, un sancocho (Colombie), un meat pie (Angleterre), une tortilla au lard (Espagne) ou alors plus luxueusement une feijoada (Brésil) ou même du confit de canard / pommes rissolées (un couple de Marseille). Paulo Coelho ou Sartre, le Petit Prince ou Sidharta, la dance music ou le rap, le cinéma hollywoodien (le préfér
é des routards en général) c'est sympa mais on s'en lasse vite. Mais partager une spécialité locale inconnue on s'en lasse rarement. Pour ma part je sers par exemple une ratatouille et du poulet, des quesadillas, de la dinde avec du mole (sauce au chocolat épicée) selon le temps mais aussi....selon le profil.... Un couple de costaricains végétariens a cuisiné des gnocchis de pommes de terre, un végétalien de San Francisco  des enchiladas de maïs vert aux champignons et nopals, une horreur ! Ce fut néanmoins une expérience intéressante même si j'aurais pu m'en passer!  

Lorsque l'on pose la question en ligne aux membres de CouchSurfing sur ces échanges culturels, à quelques exceptions près, il y a peu d'échos hors la cuisine d
éjà abordée ci-dessus et des échanges linguistiques. Et pour cause : peut-on parler de quelque chose que l'on ne pratique pas même si l'on en entendu parler et souhaite que cela existe ? Mis à part des exceptions remarquables sans doute pas.

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